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Culture
7 novembre 2009

ENSEIGNANT ARROSE D'ESSENCE

juvignacJuvignac Le professeur agressé à son domicile : « Paniqués à l’idée de retourner chez nous »

Un professeur d’université, son épouse et leur fils de 11 ans ont été agressés chez eux à Juvignac (Hérault), le 19 octobre dernier, par un homme cagoulé et armé. L’intrus qui venait d’asperger ses trois victimes d’essence, a finalement été maîtrisé par le mari. A l’arrivée des gendarmes, il était mort. On apprenait le lendemain qu’il s’agissait d’un ancien étudiant en sociologie du professeur, qui venait d’échouer à son examen. Les parents de ce jeune Gardois, qui souffrait de troubles psychiatriques, se sont constitués partie civile. L’enseignant a été mis en examen pour meurtre et laissé libre.  Une semaine après les faits, le professeur agressé et son épouse livrent leur ressenti (1)

Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
Quand

je suis dans un endroit peuplé d'inconnus, sans une personne familière à mes côtés, je me sens très vulnérable et en permanence sur le qui-vive. Avec ma femme, on se repasse en permanence la scène de l'agression, surtout le soir.
L’épouse : les choses sont plus facilement gérables durant la journée, car nous sommes absorbés par d'autres tâches. Mais le soir, nous sommes toujours en train d'imaginer le scénario que l'agresseur avait projeté, avec les éventuelles implications pour notre fils. A présent, celui-ci a beaucoup de mal à rester seul et à s'endormir. Il a besoin de sentir notre présence. Notre fils a fait preuve d'un sang- froid extraordinaire.

Parlez-vous ensemble de votre agresseur ?
Nous n'arrivons pas à citer son nom. Pour nous, il n'a pas de nom car il n'a pas de visage : la vision que nous en avons, c'est une cagoule avec trois trous, un pistolet automatique et de l'essence. Un homme ganté et cagoulé.

Avez-vous regagné votre domicile et retrouvé votre place à l'université ?
Pour l’instant, nous sommes paniqués à l'idée de retourner chez nous et nous n'envisageons pas d'y revenir. Sur le plan professionnel, je n'envisage pas pour le moment de donner à nouveau des cours, a fortiori dans des amphis où l'on se retrouve parfois face à 300 étudiants. Pour moi, je crois que les amphis, c'est terminé, alors que j'adorais ça. Cette réaction est liée au fait de savoir qu'"il" a été là, autrefois, dans mes cours d'amphi ; je penserai nécessairement à lui, cagoulé, en train de me regarder…
Pour mes cours, on essaiera dans un premier temps de trouver des aménagements, afin que je puisse enseigner à des petits groupes, devant des étudiants que je puisse identifier, qui aient un nom et un visage…

Comment avez-vous vécu les retombées de cette affaire ?
J'ai eu des soutiens de ma hiérarchie, notamment de la présidence de l'université qui a été très réactive. J'en profite pour remercier les amis, les collègues, mais aussi les étudiants qui ont ouvert un blog de soutien, et tous les anonymes qui ont réagi…
Mais il faut dire aussi qu'après avoir souillé nos corps et notre maison, on a violé nos esprits et, d'une certaine façon, sali notre nom. En effet, notre nom de famille a été divulgué par certains journalistes, sans s'inquiéter des éventuelles conséquences. En ce qui concerne ma carrière professionnelle, mon nom sera pendant longtemps lié à cet événement, ce qui ne sera pas non plus sans conséquences pour moi. Même les prénoms de ma femme et de mon fils ont été cités, alors que ce dernier n'est âgé que de 11 ans. C'est déjà difficile à oublier pour lui, on aurait pu au moins le protéger…
Des images de notre maison ont été diffusées sur internet dans le monde entier, avec notre adresse. Il paraît même que des images du contenu du sac de l'agresseur se sont retrouvées, on ne sait comment, sur You Tube.
Des journalistes télé se sont introduits dans notre propriété, évidemment sans notre permission. Cette invasion, nous l'avons ressentie comme une seconde violation de notre domicile et de notre intimité. Et enfin, le terme de " strangulation " a été employé avant que l'autopsie du corps soit pratiquée, alors que je n'ai jamais utilisé cette expression lors des auditions.

Vous vous êtes très peu exprimé depuis le début de cette affaire.
Tout cela a des implications pour nous. C'est pour toutes ces raisons que nous avons choisi de ne pas nous exprimer davantage. C'est une question de décence et de respect. Pour nous-mêmes et pour la famille de l'homme cagoulé.
De plus, c'est difficile pour nous, dans cette période d'avoir affaire à des inconnus, quels qu'ils soient. Notre monde est tellement éloigné de celui des médias ! Je ne veux pas exposer ma famille. Montrer le visage tuméfié de ma femme n'apporte rien, c'est à la limite de l'indécence.
L’épouse : Je porte encore les stigmates de cette agression. Pour moi, c'est le masque de l'horreur. Je veux mettre de la distance entre moi et ce visage qui porte encore les traces de la maltraitance. Ce visage, ce n'est pas moi, je ne le reconnais pas.

Propos recueillis par Sarah FINGER

Lire Midi Libre des 21, 22 23 octobre.

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